OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Grossier clin d’oeil de l’UMP aux médecins http://owni.fr/2011/07/18/grossier-clin-doeil-de-lump-aux-medecins/ http://owni.fr/2011/07/18/grossier-clin-doeil-de-lump-aux-medecins/#comments Mon, 18 Jul 2011 13:14:54 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=73963 Alors que les déserts médicaux existent toujours autant, le Parlement vient de supprimer les mesures de contrainte qui visaient à les réduire.

La loi Hôpital, Patients, Santé Territoire de juillet 2009 initiée par la ministre de la Santé Roselyne Bachelot prévoyait en effet une amende annuelle de 3.000 euros pour les médecins libéraux des zones surmédicalisées qui ne prêtaient pas main forte à leurs confrères des zones sous-médicalisées. Dans le contrat de ces médecins qui soignent en cabinet – spécialistes ou non – figurait l’obligation de travailler une demi-journée par semaine dans ces coins de France délaissés, sous réquisition de l’Agence Régionale de Santé ou ARS. La commission mixte paritaire a donc mis au point un texte que les sénateurs puis les députés ont entériné mercredi 13 juillet et qui abroge ce point.

Actuellement, sur les 3.500 médecins s’installant chaque année, 10 % seulement se sont installés en libéral et parmi eux 180 généralistes. En 2009, il y a eu 6.000 départs en retraite. Le compte n’est déjà pas bon.

Efficacité limitée

Destinée à l’origine à lutter contre la désertion des médecins de certaines zones,  cette idée n’était en réalité que peu efficace et pour certains praticiens ne répartissait pas mieux l’offre de soins. Pour le docteur Dupagne, fondateur d’Atoute.org, référence en matière de forum médical, la mesure n’avait fait que renforcer chez les jeunes une sorte de raidissement à l’annonce de cette contrainte potentielle.

Vous ne pouvez pas forcer un médecin à se salarier ou à aller dans une zone précise. Et la médecine libérale est un exercice sacerdotal, c’est invendable pour les jeunes, que ce soit en zone où l’offre est correcte comme en zone sous-médicalisée. Il faudrait que les généralistes soient beaucoup plus nombreux, notamment à la campagne, pour une médecine de premier recours. Ils ne se plaignent pas de ne pas bien gagner leur vie mais de ne pas avoir une vie confortable.

Pour le docteur Garrigou-Granchamp, médecin généraliste à Lyon, la situation est plus qu’alarmante et il faut trouver des solutions durables pour éviter que l’hémorragie ne continue :

Le secteur libéral va se vider. Actuellement les médecins vont s’installer dans les zones dites “faciles”. Il faut mettre en valeur le secteur libéral et le rendre attractif à nouveau. Il y a pour ça plusieurs solutions possibles. À commencer par la modulation du tarif de la consultation en fonction de la difficulté d’exercice. Au Canada, le montant de la consultation est fixé de cette façon. Un moyen comme un autre d’attirer les médecins dans des zones plus ou moins délaissées.

Une des raisons de la fuite des médecins du secteur libéral : la lourdeur du système et de l’administratif. Les plus jeunes qui arrivent après une dizaine d’années d’études observent tout au long de leur apprentissage la dégradation de leur métier et des conditions de travail. Et la tentation de se salarier est grande, notamment parce que les permanences de soins ne sont alors pas obligatoires et les tâches administratives beaucoup moins lourdes. La solution “miracle” des politiques ? La création de maisons pluridisciplinaires. Mais le médecin explique que c’est un palliatif trop mince :

Pour se regrouper il faut qu’ils aient d’abord fait le choix du libéral. Derrière les déserts médicaux, il y a le problème du salariat et de l’installation en libéral. Et ces mesures coercitives ne valent rien. Dans le terme libéral, il reste liberté et vous ne pouvez pas forcer quelqu’un à s’installer dans un mode d’exercice qu’il n’a pas choisi. Ils pourront inventer tous les systèmes qu’ils voudront, ça ne fonctionnera pas. L’incitation peut-être pourrait améliorer les choses.

« La politique de la droite est très dure »

La suppression de la mesure, à la limite de la ponction financière, ressemble à quelques mois des élections à un petit signe du gouvernement au corps médical. Possible selon le médecin mais :

Il faudrait plus que ça. La mesure n’est pas à la hauteur. On est habitués à notre petit clin d’œil avant les élections mais la politique de droite est très dure avec les médecins. Entre le plan Juppé et celui de Seguin, rien de bien tendre pour le corps médical.

Mais pour le docteur Dupagne, il s’agit juste d’une question de bon sens de la part des sénateurs.

Alain Juppé a pu montrer à l’époque qu’il était capable de s’asseoir sur l’électorat médical. Il y a quand même un peu de bon sens. Cette mesure était une fausse bonne idée. Les députés et sénateurs se sont rendus compte que ce n’était pas envisageable de la laisser telle quel. C’est pour moi un sursaut de bon sens.

Tactique politique ou pas, à moins d’un an de la présidentielle, les médecins sont bien vaccinés et il en faudra plus – que l’abandon de ces mesures – pour conserver ou gagner des voix de cet électorat.


Retrouvez les articles du dossier : Carto des déserts médicaux et Où trouver l’hôpital le plus proche?

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Illustration de Une : Marion Boucharlat

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Diabétiques et alcooliques: sur la route même combat http://owni.fr/2011/05/18/diabetiques-et-alcooliques-sur-la-route-meme-combat/ http://owni.fr/2011/05/18/diabetiques-et-alcooliques-sur-la-route-meme-combat/#comments Wed, 18 May 2011 14:55:54 +0000 Claire Berthelemy et Jérémy Joly http://owni.fr/?p=57667

Votre permis ne pourra être valable que pour cinq ans, monsieur. Ensuite vous devrez revenir devant la commission pour voir si vous êtes encore en état de conduire.

Cette phrase, à quelques mots près, les jeunes diabétiques sont nombreux à l’avoir entendue en allant s’inscrire pour passer leur permis de conduire. Une phrase par laquelle ils ont appris cette curieuse exception : pour eux, le permis B n’est pas définitif.

Cette version provisoire n’a pourtant pas toujours existé. Depuis 2006, la loi française permet aux diabétiques et épileptiques – entre autres -, d’obtenir un permis définitif. Cela faisait plus de dix ans que les malades attendaient. Mais en septembre 2010, une directive européenne transposée dans le droit français les range dans la même case que les déficients mentaux, les analphabètes, les personnes souffrant de psychose aiguë et celles amputées des membres inférieurs.

Le permis de conduire n’est ni délivré ni renouvelé lorsque le candidat ou conducteur souffre d’hypoglycémie sévère récurrente et/ou d’une conscience altérée de l’hypoglycémie. Un conducteur diabétique doit prouver qu’il comprend le risque d’hypoglycémie et qu’il maîtrise la maladie de manière adéquate.

Une décision contestée par les malades et les médecins, soutenus par des députés et sénateurs, de gauche comme de droite.

Médecins des commissions et controverses

Les risques liés au diabète sont jugés en commissions médicales primaires, chargées de contrôler l’aptitude physique et mentale à la conduite. Pour la majeure partie des rendez-vous, les médecins voient passer des suspensions de permis pour … conduite en état d’ivresse [PDF](( La convocation est la même quelque soit le motif, la partie rayée correspond à la prise de sang demandée pour les personnes alcooliques, le prélèvement des GammaGT associé à celui des CDTect )). De quoi expliquer les questions parfois curieuses posées aux personnes convoquées, comme cette jeune diabétique qui raconte son entretien :

J’ai dû montrer aux deux médecins présents que je pouvais tenir sur une jambe et que non, je ne buvais pas et ne me droguais pas.

Les médecins membres des commissions – qui, malgré nos très nombreux appels, n’ont pas souhaité répondre aux questions d’OWNI – présentent des profils très variés et ont payé une formation obligatoire. L’Institut National de Sécurité Routière et de Recherches, qui s’occupe de l’ensemble des formations, reconnaît en interne ne « consacrer que très peu de temps au diabète parce que c’est une pathologie compliquée et que la formation ne dure que trois jours ». Mais le docteur Puygrenier, chargé des formations avance une autre « hypothèse »:

Les patients n’ont pas le résultat qu’ils attendent, alors avec le lobbying des associations de diabétiques, ils rejettent la faute sur les médecins.

Mais les nombreux témoignages tendent à montrer que les membres des commissions n’ont pas toujours les compétences requises pour juger de la dangerosité — relative — d’un diabétique au volant. Complexe, le diabète existe sous plusieurs formes. Le docteur Marc de Kerdanet, spécialisé dans le suivi des jeunes diabétiques, rapporte ainsi qu’un « membre d’une commission avait demandé à une jeune fille de 17 ans comment elle se soignait ». Or à son âge, un seul type de traitement est disponible : l’insuline puisque le diabète ne peut qu’être insulinodépendant pour cette tranche d’âge, à quelques rares exceptions près. Ce que n’importe qui peut découvrir en quelques clics sur Wikipedia

Autre élément surprenant : le non-remboursement des frais de transports et des frais médicaux. Marie-France, internaute active sur le sujet et mère d’un diabétique, raconte ainsi avoir payé plus de 270 € de frais médicaux, à force d’être ballottée de commissions en spécialistes à travers tout son département. Lorsqu’elle demande un remboursement, la réponse est lapidaire [PDF] :

Les 150 € que votre fils a dû verser se justifient par la durée de la visite — environ une heure — et par la finalisation du dossier. Je précise que chaque médecin a reçu 75 €.

Une réponse qui ne tient pas compte des recommandations de la Halde, pourtant entérinées par ce même secrétaire d’État en mai 2009 : « La Halde avait recommandé au ministre chargé des Transports de modifier la circulaire afin que la gratuité des visites médicales aux personnes titulaires du permis de conduire soit accordée à toute personne pouvant justifier, à quelque titre que ce soit, d’une reconnaissance de son handicap. »

Aujourd’hui, le tarif s’élève encore à 24,40 € pour la commission principale et 60 € pour la commission d’appel, à ajouter aux spécialistes, frais de transports et jours de congés à poser… aucun élément de cette liste n’étant remboursé.

En vertu du principe de non-rétroactivité, les personnes ayant obtenu le permis de conduire avant que leur diabète ne se déclare ne sont pas concernées et ne doivent donc pas passer devant la commission médicale (hors infractions graves). Pourtant l’ensemble de la réflexion est basée sur l’idée que le diabète peut impacter la santé du malade sur la durée, notamment en terme de vision. Plus le diabète est ancien, plus il serait donc potentiellement dangereux, selon cette logique.

Mais aucun élément chiffré ne permet aux praticiens d’évaluer les éléments cités : impossible de graduer la conscience d’un risque. Le seul critère visible pour la commission étant l’occurrence, au cours des douze derniers mois, de deux hypoglycémies sévères (avec intervention d’une tierce personne de type secours professionnels). La commission se base donc principalement sur la parole du diabétique, et ses éventuels a priori sur la maladie.

On observe donc logiquement des disparités entre les différentes commissions. Un problème souligné par le sénateur PS du Val-de-Marne, Serge Lagauche, qui, dans le cadre d’une question au gouvernement en novembre dernier, montre que “les associations de malades diabétiques s’inquiètent des discriminations que pourraient entraîner ces modifications” :

En effet, des différences très importantes ont été constatées entre départements dans les conclusions des commissions médicales préfectorales. Ces distorsions créent de fait des inégalités inacceptables entre départements pour l’obtention ou le renouvellement du permis de conduire.

Un a priori de l’ordre de la discrimination

A l’origine de l’évolution législative, on trouve une volonté d’harmoniser les situations au niveau européen. Par exemple en Belgique, un permis était considéré comme “périmé” dès l’instant où le diabète se déclarait, alors que l’Espagne avait déjà adopté le permis renouvelable tous les cinq ans depuis 1969. En 2003, on comptait ainsi 80 types de permis différents en Europe.

Un groupe de travail européen constitué de 11 spécialistes du diabète a donc livré un rapport en juillet 2006 [PDF/EN] concluant que “la stabilité du diabète et les éventuelles complications changent avec le temps. Nous proposons donc que les diabétiques soient évalués régulièrement, dans un délai maximum de cinq ans. “. Or, dans ce même rapport, ils précisent que “les différentes études montrent que le taux de risque est sensiblement le même entre les personnes diabétiques et non-diabétiques” et que “les principales complications médicales liées au diabète peuvent apparaître aussi chez des personnes non-diabétiques”.

Le docteur Juan Carlos Gonzales Luque, membre de ce groupe de travail et conseiller médical à la Sécurité routière espagnole, précise que le risque principal réside dans “une détérioration [de l'état de santé du malade] plus rapide que chez les personnes non-diabétiques”.

A la Commission européenne, Gilles Bergot, expert en transports, reconnaît que “les résultats des études sont assez hétérogènes” mais insiste sur le fait que “c’est une question de sécurité routière”. Une fausse excuse selon le Docteur de Kerdanet, qui a lutté de nombreuses années au fil des évolutions de la législation française :

C’est basé sur un a priori qui est de l’ordre de la discrimination. On dit qu’il y a un risque alors que toutes les études indiquent le contraire !

Discrimination, c’est le mot-clé qui revient dans les témoignages des diabétiques et à ce sujet leurs craintes sont nombreuses.

À commencer par l’emploi. En effet, lorsque votre permis a une durée de vie “limitée”, un employeur prendra-t-il vraiment le risque de vous embaucher ? Si un exemplaire du permis n’est pas demandé pour tous les métiers, les chauffeurs routiers, de taxis ou les commerciaux pourraient rencontrer des difficultés. Surtout quand pour les détenteurs de permis poids lourd, la loi est encore plus restrictive, la validité du permis étant de 3 ans maximum pour les diabétiques, contre 5 ans pour les non-diabétiques.

La personne diabétique ayant donc un permis de conduire provisoire, son lieu d’habitation doit être fonction de ses possibilités de déplacement : l’implantation géographique de son logement est primordiale et surtout conditionnée par les transports en communs qui se doivent d’être suffisants. Si son logement n’est pas à proximité d’un réseau conséquent de bus/métro/train, impossible d’accéder à un bassin d’emploi de façon pérenne. Or, quel employeur parierait sur une personne dont le permis est provisoire et qui peut être amené à lui demander “si le lieu de travail n’est pas trop loin de son logement” ?

Mais comme le souligne Gilles Bergot, “il est possible de déposer plainte contre la France à la Commission européenne pour mauvaise application de la directive européenne. La difficulté de celle-ci étant de trouver un équilibre entre principes et détails, proposer des lignes directrices plus précises est la meilleure solution.” :

> Illustrations Flickr CC Françoisetfier et Jahovil

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