OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Montebourg et Batho à la vérification http://owni.fr/2012/06/18/montebourg-et-batho-a-la-verification/ http://owni.fr/2012/06/18/montebourg-et-batho-a-la-verification/#comments Mon, 18 Jun 2012 15:23:53 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=113550 Owni a vérifié leurs propos chiffrés.]]>

Owni s’est penché sur les déclarations chiffrées en cette période riche en annonces politiques. À la faveur de cette période électorale, les membres du gouvernement ont usé de statistiques pour appuyer leurs propositions. Et, s’agissant d’Arnaud Montebourg et de Delphine Batho, dans les citations que nous avons relevées dans des interviews accordées à des médias grands publics, ils s’y sont cassé les dents.

Coopératives

Invité sur RTL mardi, le ministre du Redressement productif était venu vanter l’option défendue par le gouvernement d’une reprise de SeaFrance par ses salariés. Pour souligner les mérites des Sociétés coopératives ouvrières (les Scops), Arnaud Montebourg s’est attardé sur une société bien connue ayant adopté ce modèle et sur la modération salarial qu’elle pratique :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Je voudrais signaler une grande entreprise, qui s’appelle Chèque déjeuner, qui est connue de beaucoup de salariés, c’est une Scop ! Où les écarts de salaires sont très réduits, de 1 à 3 ou 4. Où les bénéfices, considérables, sont ré-engrangés dans l’entreprise et où on se consacre à l’investissement, à l’innovation.

Non disponible sur le site de Chèque déjeuner, la rémunération de Jacques Landriot, PDG du groupe, n’est pas tenu secrète par la société. Contacté par Owni, le service de communication a répondu à nos questions sur l’écart salarial :

Nous n’avons pas son salaire au mois dernier mais il était d’environ 10 000 euros net fin 2011. Le groupe n’embauche pas en dessous de 1500 euros. Nous sommes en général dans un rapport de un à sept ou huit entre le plus bas et le plus haut salaire.

L’écart réel serait donc le double de celui avancé par Arnaud Montebourg sur RTL. Si la fédération nationale des Scops ne dispose pas de statistique sur l’écart salarial dans les sociétés coopératives ouvrières à travers la France, les services de l’Observatoire de l’économie sociale et solidaire en Île-de-France nous ont présenté une “tendance” qui se situerait dans un écart de 1 à 7. “Mais il faut pondérer ce constat, les formes de Scops diffèrent énormément entre les différents secteurs et les tailles d’entreprise : les plus hauts salaires dans des PME en Scops sont mécaniquement moins élevés”, nous a-t-on précisé.

Si elle fait partie des valeurs défendues par les Scops, la modération salariale n’est en fait que le fruit du vote des comités des rémunérations où siègent également les salariés-sociétaires. Il n’existe pas de limite légale permettant de se revendiquer Scop. Le service de communication du groupe Chèque Déjeuner nous a même confié qu’il était envisagé d’étendre l’écart salarial de 1 à 11 ou 12 pour recruter des personnes susceptibles de mener l’expansion du groupe à l’international.

Sur le point de l’écart salarial, le ministre du Redressement productif est donc incorrect. Il a en revanche raison de vanter la redistribution des bénéfices aux salariés, laquelle rapporte à chaque employé de la maison-mère de Chèque Déjeuner 20.000 euros par an, selon les chiffres du groupe.

Grâce

Mercredi, Delphine Batho passait à son tour à la question au micro de Bruce Toussaint sur Europe 1. Écartant la mise en place de la traditionnelle amnistie refusée par François Hollande, la ministre délégué à la Justice a préféré se concentrer sur la situation carcérale et les réponses pouvant y être apportées, en dehors de la grâce présidentielle :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le contrôleur général des lieux privatifs de liberté est dans son rôle. Et d’ailleurs le gouvernement est à son écoute lorsqu’il tire le signal d’alarme sur la situation qui est celle aujourd’hui des prisons françaises, avec une surpopulation carcérale qui est catastrophique, 117%, pour 57000 places.

La ministre indique d’elle-même la source de ses chiffres : il s’agit de l’avis du contrôleur général des lieux de privation de liberté, lequel a été publié le 22 mai dernier au journal officiel. Dès le troisième point de ce rapport très critique des conditions de détention en France, le contrôleur avance effectivement les chiffres de 117% de taux de sur-occupation mais le juge loin d’être pertinent, au regard des différences entre centres de détention et maisons d’arrêt :

117 % tiré du rapprochement du nombre de places et de celui des occupants n’est qu’une moyenne vide de sens, dès lors qu’existe dans les établissements pour peines un numerus clausus de fait, qui conduit à des taux d’occupation qui ne dépassent jamais 100 % mais qu’inversement, dans les maisons d’arrêt, le taux d’occupation peut être, par voie de conséquence, beaucoup plus élevé. Dans un de ces établissements qu’a visité l’an dernier le contrôle général, dans l’est de la France, vivaient 163 personnes détenues pour soixante-dix-sept places (soit un taux de sur-occupation de 212 %

Le jugement du contrôleur général des lieux de privation de liberté paraît d’autant plus pertinent à l’analyse de la cartographie pénitencière de la France, telle que l’avait réalisée OWNI.

Quant au chiffre de 57 000 places, il est également présenté dans l’avis mais largement pondéré dans sa définition :

D’autre part, le concept de « place » est d’une remarquable plasticité. Une maison d’arrêt antillaise visitée comptait ainsi cent trente places théoriques mais 244 lits (soit une surcapacité de 188 %) ; une autre dans le centre de l’Hexagone cent vingt-deux places théoriques mais 154 “pratiques” (soit un taux de surcapacité de 126 %) ; il suffit pour accroître le « théorique » de mettre par exemple deux lits superposés dans une cellule individuelle ou trois dans une cellule en comptant deux, sans d’ailleurs que le reste du mobilier soit en général accru d’autant, faute de place.

Du simple point de vue mathématique, Delphine Batho tient donc des propos corrects. Mais l’avis même qu’elle évoque, s’il reprend les mêmes statistiques, critique leur fondement, rendant un panorama résumé à deux chiffres très réducteurs de la réalité de la situation carcérale en France. Et par conséquent du travail qui attendrait la ministre déléguée pour réformer la condition carcérale dans le pays, si elle demeure à la Justice après un éventuel remaniement tirant les conséquences de ces législatives.


Photo FlickR BY-NC Western socialist.

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Le terrorisme fantasmé de Marine Le Pen http://owni.fr/2012/04/19/le-terrorisme-fantasme-de-marine-le-pen/ http://owni.fr/2012/04/19/le-terrorisme-fantasme-de-marine-le-pen/#comments Thu, 19 Apr 2012 17:12:58 +0000 Pierre Leibovici http://owni.fr/?p=106951 OWNI. La candidate FN reste avant-dernière au classement OWNI-i>Télé de crédibilité des six principaux candidats à la présidentielle, devançant Nicolas Sarkozy de près d'un point.]]>

La gravité attire les six principaux candidats à la présidentielle présents dans le classement du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude de leurs déclarations chiffrées ou chiffrables.

Avec 43,4 % de crédibilité, Nicolas Sarkozy s’enfonce un peu plus à la dernière place, tandis que Marine Le Pen et François Bayrou jouent au coude-à-coude (44 % pour la candidate FN, 44,7 % pour celui du MoDem). Eva Joly perd quelques dixièmes de points et tombe à 58,7 %. Elle reste devant François Hollande (54,3 %) mais se détache un peu plus de la tête du classement, conservée par Jean-Luc Mélenchon avec 63,5 % de crédibilité.

Durant ces dernières 24 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 41 citations chiffrées des candidats à l’élection présidentielle. Résumé des quelques faits qui ont retenu notre attention.

Marine Le Pen islamise

Pour justifier l’amalgame entre immigration et terrorisme, rien ne vaut les chiffres. Et Marine Le Pen l’a bien compris. Dans la matinale de France Inter du 19 avril, tout en affirmant que “Mohammed Merah n’aurait pas été Français” si elle avait été aux affaires, la candidate FN a vu grand :

95 ou 97 ou 98 % des attentats qui sont commis aujourd’hui dans le monde entier sont le fait du fondamentalisme islamique !

A notre connaissance, le seul organisme officiel fournissant des données sur les attaques terroristes dans le monde vient des États-Unis. Il s’agit du Centre national du contre-terrorisme, qui classe notamment les attentats selon la nature de l’organisme revendicateur. L’équipe du Véritomètre a recensé les résultats pour l’année 2011 sur un graphique :

Et Marine Le Pen est très loin de la réalité. Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2011, sur les 10 309 attaques terroristes ayant eu lieu dans le monde, 56,3% ont été revendiquées par des islamistes radicaux. Soit 68,7% de moins que l’estimation avancée par la candidate FN.

A une échelle réduite, celle de la France, il en va tout autrement. L’équipe du Véritomètre avait déjà vérifié les données sur les revendications d’actes terroristes en France en 2010 à l’occasion d’une déclaration de Jean-Luc Mélenchon, dans un discours à Lille, le 27 mars. Sur les 84 actes terroristes recensés sur le sol français par l’agence Europol, aucun n’avait été revendiqué par un mouvement islamiste.

Le trop long contrat d’Eva Joly

Eva Joly place la fin de sa campagne sous le signe de la justice. Après avoir décrié – non sans un certain excès – le traitement fiscal de Liliane Bettencourt, la candidate Europe Ecologie – Les Verts s’en est prise aux Partenariats public-privé (PPP) dans les prisons à l’occasion de l’interview politique de Christophe Barbier sur i>Télé :

Il faut renouveler les bâtiments des prisons [...] mais les conditions dans lesquelles nous le faisons en France, en partenariats public-privé par exemple, qui grèvent nos budgets pour les 51 ans à venir, tout en assurant une rente à Bouygues, ne sont pas la bonne solution.

Les PPP pénitentiaires pointés du doigt par Eva Joly ont été institués par la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire. Une loi qui a permis de confier à un unique prestataire privé l’entretien et les services à la personne dans les établissements pénitentiaires, et qui fut effective à partir du début des années 1990.

La question n’est pas ici de savoir si ces PPP sont ou “ne sont pas la bonne solution”OWNI s’étant d’ailleurs souvent intéressé à la question -, mais plutôt de savoir si les contrats de délégation de service public dans les prisons peuvent effectivement durer “51 ans”.

La Cour des comptes s’est récemment intéressée aux PPP pénitentiaires, et notamment à leur durée. En lisant rapidement le rapport qu’elle a rendu en octobre 2011, on comprend que les contrats de PPP pénitentiaires déjà signés s’étendront au plus tard jusqu’en 2038. La période entre la date d’entrée en vigueur (1987) de la loi relative au service public pénitentiaire et 2038 dure bien 51 ans.

Sauf qu’aucun PPP pénitentiaire n’a été signé en 1987, les contrats venant à échéance en 2038 n’ayant débuté qu’en 2010, pour une durée donc, de 28 ans. Dans sa croisade contre les PPP, Eva Joly n’a donc pas hésité à exagérer les chiffres.

Jean-Luc Mélenchon en terrain accidenté

Pour son dernier grand discours en plein-air, en l’occurence sur la plage du Prado à Marseille, le 14 mars dernier, Jean-Luc Mélenchon s’est penché sur une donnée “dont on ne parle jamais” à son avis, les accidents du travail :

43 000 accidents du travail qui aboutissent à une invalidité totale.

Exact à 4,4% près, si l’on se base sur le rapport statistique 2011 (pages 2 et 3) de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Car, malgré une baisse par rapport à l’année 2009, 41 176 accidents du travail suivis d’une incapacité permanente sont intervenus en 2010 en France.


Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.
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87 000 prisonniers perdus http://owni.fr/2012/03/26/87-000-prisonniers-perdus/ http://owni.fr/2012/03/26/87-000-prisonniers-perdus/#comments Mon, 26 Mar 2012 07:55:13 +0000 Pierre Leibovici http://owni.fr/?p=103102 OWNI est parti à la recherche de ces prisonniers, pas perdus pour tout le monde. ]]>

Maison d'arrêt de la Santé. Paris Surveillants fermant la grille d'accès à la cour de promenade © Olivier Aubert/Picture Tank

C’est l’histoire d’un chiffre à succès. Répété à l’envi, du Front national à l’UMP, pour justifier la multiplication du nombre de prisons en France. Un chiffre qui impressionne. Et qui trompe. Ce chiffre, c’est celui des peines de prisons en attente d’exécution. Le ministre de la Justice, Michel Mercier, parle de :

87 000, au 31 décembre dernier

Donc 87 000 personnes en France dont la condamnation a été prononcée par un juge mais n’est pas encore appliquée. Bien plus que le nombre de places opérationnelles dans les prisons du pays, 57 213 au 1er mars 2012, selon le ministère de la Justice.

L’argument est imparable pour qui veut convaincre de la nécessité d’agrandir le parc carcéral français, à commencer par Marine Le Pen, qui préfère parler de “peines prononcées qui n’ont jamais été exécutées” ou de “peines qui ne sont jamais appliquées” plutôt que de peines “en attente d’exécution”. Avant de lancer cette proposition :

Créer dans les plus brefs délais, 40 000 nouvelles places de prison.

Mais la réalité des peines de prison en attente d’exécution est plus complexe. Seules 4,2% d’entre elles présentaient une durée supérieure à un an et deux mois en juin 2011. Un détail qui a son importance.

Petites peines

Car depuis la loi pénitentiaire n° 2009-1436 votée le 24 novembre 2009, les peines égales ou inférieures à deux ans d’emprisonnement – contre un an auparavant – sont aménageables, c’est-à-dire exécutables sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou de la surveillance électronique. Si le seuil à un an reste malgré tout maintenu pour les personnes récidivistes, la loi pénitentiaire de 2009 a engagé une petite révolution en matière d’application des peines, avec pour but avoué le désengorgement des prisons.

La France carcérale

La France carcérale

Maison d'arrêt de Béthune, taux d'occupation carcérale : 216%. Faa'a Nuutania, Polynésie Française : 235%. Prison par ...

Une révolution qui n’a pas plu à tout le monde, et notamment au député Eric Ciotti. Dans son rapport sur le renforcement de l’efficacité des peines, il écrit ainsi que la possibilité d’aménager des peines inférieures à deux ans “n’est légitimement ni comprise, ni admise par la plupart de nos concitoyens”. D’où la proposition n°33 de son rapport visant à supprimer purement et simplement les avancées permises par la loi pénitentiaire de 2009.

La proposition n°33 n’a pas été retenue dans le projet de loi sur l’exécution des peines voté le 29 février dernier par l’Assemblée nationale et validé le 22 mars par le Conseil constitutionnel. L’avenir de l’aménagement des peines reste pourtant incertain.

En juin dernier, sur les 85 600 peines en attente d’exécution, plus de 82 000 étaient aménageables. Mais pas aménagées. Comme l’indique le rapport d’Eric Ciotti, seules “9 774 personnes bénéficient d’un aménagement de peine sous écrou” au 1er mai 2011.

Interrogée par OWNI sur cet écart entre les peines qui pourraient être aménagées et celles qui le sont réellement, la sénatrice Nicole Borvo, rapporteure du Projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines, a une explication simple :

Le passage devant le juge de l’application des peines [chargé de décider de l’aménagement d’une peine, NDLR] est beaucoup trop long en France. Des gens sont condamnés mais attendent des mois avant de savoir s’ils vont finalement aller en prison, les services d’application des peines sont débordés, bref, on manque de moyens.

Dans l’annexe du projet de loi sur l’exécution des peines figurent les mesures qui seront engagées pour “garantir la célérité et l’effectivité de l’exécution des peines prononcées”. L’augmentation des moyens accordés aux services d’application des peines arrive en dernière position, 400 postes devant être créés d’ici à 2017 dans les juridictions et les bureaux d’exécution des peines. La priorité est ailleurs dans le projet de loi : “porter la capacité du parc carcéral à 80 000 places”.

45 000 condamnations de plus

Plus largement, la construction de nouvelles prisons légitimée par le nombre de peines en attente d’exécution amène à une réflexion sur le sens des courtes peines. L’étude d’impact du projet de loi relatif à l’exécution des peines avouait elle-même que “les peines d’une durée inférieure ou égale à 3 mois constituent la moitié du stock des peines en attente d’exécution”.

De quoi rendre dubitatif le sénateur Jean-René Lecerf, qui s’exprimait ainsi lors de l’examen du projet de loi au Sénat :

Mais de quoi parle-t-on ? La moitié de ces peines en attente d’exécution sont égales ou inférieures à trois mois. Quelle est la signification d’une peine de trois mois ?

Et Nicole Borvo de renchérir :

Les courtes périodes d’incarcération n’ont aucun effet en matière de réinsertion. Elles n’ont aucune valeur ‘pédagogique’.

Pour la fermeture des prisons

Pour la fermeture des prisons

La prison n'a toujours pas atteint les objectifs fixés il y a plus de deux siècles. Elle reste le lieu de l'inhumain, de ...

Le poids de ces courtes peines est à mettre en parallèle avec l’augmentation des condamnations ces dernières années : 45 129 de plus au cours de la décennie 2000, d’après les chiffres de l’Insee. Une évolution dont tient compte le projet de loi sur l’exécution des peines puisque son “scénario le plus probable” prévoit l’augmentation de “2% par an en moyenne des condamnations à des peines privatives de liberté”.

Le 6 mars dernier, plus de soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel pour juger la conformité du projet de loi sur l’exécution des peines à la Constitution. Un texte que la Haute juridiction a finalement validé en l’état, la semaine dernière, le 22 mars. Les parlementaires ne l’attaquaient que sur les partenariats avec le secteur privé envisagés par la loi pour permettre de disposer des places supplémentaires.

Une décision qui résonne comme une excellente nouvelle pour les rois du BTP carcéral, Bouygues, Eiffages et GDF-Suez en tête, dont les Partenariats public-privé (PPP) sur 24 000 places de prison supplémentaires pourront représenter de beaux profits.


Photographie par Olivier Aubert / Picture Tank © tous droits réservés

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http://owni.fr/2012/03/26/87-000-prisonniers-perdus/feed/ 5
Hollande surestime Copé http://owni.fr/2012/03/16/hollande-surestime-cope-niche-fiscale/ http://owni.fr/2012/03/16/hollande-surestime-cope-niche-fiscale/#comments Fri, 16 Mar 2012 17:52:08 +0000 Pierre Leibovici et Grégoire Normand http://owni.fr/?p=102417 OWNI-i>TÉLÉ, Jean-Luc Mélenchon double François Hollande et s'approche d'Eva Joly, toujours en tête.]]>

Ce vendredi 16 mars, Marine Le Pen reste toujours à la traîne dans le classement de l’indice de crédibilité du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude de toutes les déclarations chiffrées des candidats. Eva Joly demeure en tête, mais voit sa position de plus en plus menacée par le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui la précède de moins de 3 points.

Au cours des dernières 24 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 39 citations chiffrées des candidats à la présidentielle.

Résumé des faits marquants du jour.

François Hollande surélève la niche

François Hollande était l’invité, jeudi 15 mars, de l’émission Des paroles et des actes sur France 2. L’occasion pour le journaliste François Lenglet d’interroger le candidat socialiste sur les niches fiscales et sociales, lequel répond :

La niche Copé, c’est 6 milliards d’euros par an.

Une déclaration qui intervient quelques minutes avant le duel entre François Hollande et un certain Jean-François Copé. Alors ministre du Budget, celui-ci avait fait voter un dispositif fiscal en décembre 2004, qui exonère d’impôts les plus-values réalisées par les entreprises lorsqu’elles cèdent des filiales possédées depuis au moins deux ans.

En octobre 2010, un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) sur les entreprises et les niches fiscales et sociales se prononçait sur le montant de la niche Copé, officiellement appelée “exonération des plus-values à long terme sur la cession de titre de participation”. Le CPO notait ainsi que “les évaluations [du coût de ce dispositif fiscal] ont été revues plusieurs fois considérablement”, tant à la baisse qu’à la hausse. Avant de conclure que ce coût serait plutôt compris “entre 2 et 3 milliards d’euros” annuellement.

Deux à trois fois moins que ce qu’affirme le candidat socialiste. Qui avait peut-être regardé avec trop d’attention la même émission, Des paroles et des actes, une semaine plus tôt avec François Bayrou, qui lui aussi avait déclaré :

La niche Copé, c’est 6 milliards !

Marine Le Pen est “gentille”

Et c’est elle qui le dit. Interrogée, dans l’émission Expliquez-vous sur Europe 1 et i>Télé, sur la proposition de François Hollande de taxer à 75% la dernière tranche des revenus supérieurs à un million d’euros, la candidate du Front national a voulu minimiser sa portée :

Ça fait toute la campagne qu’on est sur ces 75%, ça représente 300 000 personnes… Et encore, je suis gentille, à mon avis moins que ça !

Presque cent fois moins, en effet. D’après un rapport [PDF] du Conseil des prélèvements obligatoires (p. 268) publié en mai 2011, 3 523 foyers ont déclaré des revenus supérieurs à 1 221 879 euros en 2009.

Reste à connaître le nombre de contribuables gagnant entre un million et 1 221 879 euros, qui ne figure sur aucune source officielle. Un petit indice, néanmoins : l’Insee comptabilisait 133 000 contribuables français ayant gagné plus de 215 600 euros en 2007 (derniers chiffres disponibles). A moins donc, du doublement du nombre de millionnaires en France depuis le début de la crise, Marine Le Pen est trop généreuse sur le nombre de foyers à très hauts revenus en France.

Nicolas Sarkozy rêve de prisons

Des paroles et des chiffres ! Lors de l’émission Parole de candidat diffusée sur TF1 le 12 mars dernier, Nicolas Sarkozy s’est contenté de 102 déclarations chiffrées, minutieusement relevées par l’équipe du Véritomètre.

Un avant-goût de la vérification complète, qui sera mise en ligne lundi prochain sur le site de l’application, avec cette déclaration du candidat UMP :

Nous avons 62 000 places de prison.

Imprécis, d’après les chiffres du ministère de la Justice : les prisons françaises comptaient plutôt 57 213 places opérationnelles au 1er mars 2012.

D’ailleurs, même avec “62 000 places”, le parc pénitentiaire français ne contiendrait pas la surpopulation carcérale. Car, il n’y a jamais eu autant de détenus en France, 66 445 au 1er mars 2012.


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Les geôles oubliées de la République http://owni.fr/2011/12/09/prisons-noumea-surpopulation-carcerale/ http://owni.fr/2011/12/09/prisons-noumea-surpopulation-carcerale/#comments Fri, 09 Dec 2011 13:11:20 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=90016 Cet article fait partie de notre dossier sur les prisons à l’occasion de la sortie du numéro 10 de Snatch qui consacre un dossier de 60 pages au sujet. En partenariat avec WeDoData, OWNI a réalisé deux infographies, adaptées sous la forme d’applications, sur la France carcérale et l’état des prisonniers français pour le numéro 10 de Snatch, dans les kiosques samedi 10 décembre.

Des critiques au vitriol. Le contrôleur général des prisons, Jean-Marie Delarue, a jeté une lumière crue sur les “violations graves des droits fondamentaux d’un nombre important de personnes” enfermées dans le centre pénitentiaire de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie. Publié le 6 décembre au journal officiel, le texte évoque des détenus “entassés”, dans “des cellules insalubres où [ils] subissent une sur-occupation frôlant les 200 % dans le centre de détention et le quartier de semi-liberté et atteignant 300% dans le quartier de la maison d’arrêt”.

Plus loin, le directeur de cette autorité administrative indépendante détaille :

113 personnes occupaient [le quartier ouvert du centre de détention] prévu pour 57 personnes (…),  60 personnes occupaient [le quartier fermé du centre de détention] déclaré pour avoir 32 places (…) 18 personnes occupaient [le quartier de semi-liberté] pour une capacité théorique de neuf places.

En juin 2011, la densité moyenne dans la prison était de 221 %, soit 232 détenus en surnombre.

Territoires oubliés

Nouméa n’est pas qu’un exemple, mais l’archétype de l’état de la surpopulation dans les prisons françaises de l’Outre-Mer, les territoires oubliés de la France carcérale. Sur les quatorze établissements que compte l’Outre-Mer, la densité est supérieure à 200% dans trois établissements, et la moitié est en état de surpeuplement. Les conséquences sur les conditions d’enfermement sont directes, rappelle Jean-Marie Delarue.

Dans la maison d’arrêt de la prison de Nouméa, 27 cellules sur 34 disposent d’un matelas “posé à même un sol crasseux et humide où circulent des rats et des cafards”, écrit le contrôleur général des prisons. Son rapport fait un lien direct entre “l’épisode dramatique survenu pendant le déroulement de la mission” – un meurtre dans une cellule occupée par six personnes – et “les conséquences inéluctables que fait peser la sur-occupation de l’établissement sur les conditions de détention”.

Alexis Saurin, président de la Fédération des Associations Réflexion-Action, Prison et Justice (FARAPEJ), explique cet état par des causes pratiques, la difficulté à effectuer des transferts, mais aussi des causes plus diffuses et plus inquiétantes :

Les prisons d’Outre-Mer sont moins visitées par les contrôleurs. On peut se demander si la situation dans ces établissements est plus acceptable parce qu’ils sont loin de métropole… La situation n’est pas nouvelle. Le centre pénitentiaire Nuutania, à Faa (Polynésie Française), était déjà largement surpeuplé en 2003. Si la situation perdure, c’est qu’elle est d’une certaine manière tolérée…

L’Outre-Mer est la terre des extrêmes. Aux îles Marquises, la maison d’arrêt de Taiomac est l’une des moins remplies avec un détenu pour cinq places, ou encore Mata-Utu où la prison de trois places était vide en juin. Ces écarts masquent des réalités plus complexes en métropole où les immenses établissements pénitentiaires regroupent le plus de détenus en surnombre.

Un tiers de la population carcérale

Quatre des cinq établissements avec le plus grand nombre de détenus en surnombre sont situés en région parisienne : Fresnes, avec 569 détenus en surnombre, suivi par Fleury-Mérogis avec 533 détenus, et plus loin Villepinte avec 316 détenus en surnombre. Ramené au nombre de places, les densités ne sont pas les plus élevées.

Selon l’Observatoire des prisons et autres lieux d’enfermement, 11 282 détenus étaient en surnombre le 1er novembre 2011. Une estimation minimale de l’effet de la surpopulation : un détenu en surnombre dans un cellule a des conséquences sur le quotidien de son co-détenu. Pour Alexis Saurin, le nombre de personnes affectées par la surpopulation carcérale est au minimum le double, voire plus. Ce qui représente entre un tiers et la moitié du nombre total de détenus.

Depuis 2002, la population carcérale a sensiblement augmenté. Lors de l’arrivée de la droite au gouvernement en 2002, la population carcérale était d’environ 45 000 détenus. Le 1er novembre 2011, 64 711 personnes étaient détenues en France. Une augmentation de plus de 40%. Mais le tournant a lieu dès 2001 avant l’élection de Jacques Chirac, rappelle Alexis Saurin :

Ces trente dernières années, la population carcérale a connu des variations à la hausse et à la baisse. Les pouvoirs exécutif et législatif influent directement ou indirectement sur les décisions de justice. Les discours récents sur la “justice laxiste” tendent à faire allonger la durée des peines.

L’augmentation du nombre détenus sous écrou ces douze derniers mois est en partie liée à l’affaire dite de Pornic explique Pierre Tournier, directeur de recherche au CNRS et auteur d’un rapport mensuel, publié par l’Observatoire des prisons et autres lieux d’enfermement (OPALE).

Deux phénomènes sont à l’œuvre. Il y a d’abord une augmentation du nombre des entrées sous écrou au premier trimestre 2011. Le climat créé par l’affaire dite de Pornic a pu favoriser un recours à la détention. Au deuxième trimestre, la durée moyenne du temps passé sous écrou croît et entraîne une augmentation de la population carcérale.

Sur la vie des détenus, les conséquences sont nombreuses. Pour Alexis Saurin, l’accès au soin est restreint, de même que l’accès aux parloirs, aux douches, aux activités, au travail. Les surveillants sont surmenés. Des remarques en échos avec les recommandations du contrôleur général des prisons. Dans le texte paru mardi au Journal Officiel, il décrit un personnel pénitentiaire “remarquable de dévouement et d’investissement.”

“Construire de nouvelles prisons ne résoudra rien !” se désole Alexis Saurin :

Il faut d’abord mettre en place des dispositifs de prévention de la surpopulation carcérale à deux niveaux : avant la décision de justice en informant les magistrats sur les possibilités d’accompagnement en milieu ouvert, avant le placement en détention en créant des cotes d’alerte sur les places disponibles dans un établissement. Les dispositifs alternatifs à la privation de liberté doivent aussi être développés, que ce soit les travaux d’intérêt général et le sursis avec mise à l’épreuve, dont le recours a été limité depuis les lois sur la récidive de 2005. Enfin, les aménagements de peine doivent être plus utilisés.

Il pointe aussi le coût des projets de construction de nouvelles prisons dans un contexte de crise économique. Des ressources qui pourraient être mieux employées, plaide-t-il, notamment en améliorant la qualité du suivi :

Les difficultés économiques frappent de plein fouet les plus précaires qui sont les plus nombreux en prisons et qui rencontrent aussi le plus de difficultés pour se réinsérer.


Retrouvez notre Une sur les prisons en partenariat avec Snatch :

Photographie de Une © Aimée Thirion. Infographies CC WeDoData

OWNI avait consacré un dossier sur les alternatives à la prison en novembre 2010.

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http://owni.fr/2011/12/09/prisons-noumea-surpopulation-carcerale/feed/ 3
La France carcérale http://owni.fr/2011/12/07/prison-carte-surpopulation-carcerale-france/ http://owni.fr/2011/12/07/prison-carte-surpopulation-carcerale-france/#comments Wed, 07 Dec 2011 15:36:26 +0000 Media Hacker http://owni.fr/?p=89510 Dans la carte ci-dessus, cliquez sur les pictos pour connaître le nombre de places et le nombre de détenus dans la prison N’oubliez pas l’Outre-Mer, loin de la métropole…

Cette application est tirée de deux infographies réalisées par WeDoData en partenariat avec OWNI pour le numéro 10 de Snatch, dans les kiosques samedi 10 décembre. Dans un dossier de 60 pages, Snatch s’est penché sur les prisons : rencontre avec Patrick Dils, enquête sur la perpétuité et les tatouages en milieu carcéral, tour d’horizon d’expériences (plus ou moins) étonnantes à l’étranger.


Enquête graphique réalisée par WeDoData avec OWNI, en partenariat avec le magazine Snatch qui consacre un dossier aux prisons dans son numéro 10, dans les kiosques à partir de samedi 10 décembre.

Application réalisée par Jérôme Alexandre et adaptée par Marion Boucharlat.

Photographie de Une © Aimée Thirion.

Retrouvez notre Une sur les prisons :

OWNI avait consacré un dossier sur les alternatives à la prison en novembre 2010.

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http://owni.fr/2011/12/07/prison-carte-surpopulation-carcerale-france/feed/ 17
Pour la fermeture des prisons http://owni.fr/2010/11/23/pour-la-fermeture-des-prisons/ http://owni.fr/2010/11/23/pour-la-fermeture-des-prisons/#comments Tue, 23 Nov 2010 15:51:28 +0000 Thierry Keller, Blaise Mao et Jérôme Ruskin (Usbek & Rica) http://owni.fr/?p=36677

Une société se juge à l’état de ses prisons, écrivit un jour Camus.

Si le nouveau pensionnaire du Panthéon disait vrai, alors la France peut avoir honte. Deux siècles à peine après son élévation au rang de peine de référence, la prison est plus que jamais incapable de remplir la triple mission que lui a assigné le Code pénal de 1791 :

1) sanctionner la faute
2) protéger la société
3) favoriser l’amendement et la réinsertion des condamnés

Une vision romantique de la privation de liberté, issue du cerveau de philanthropes hantés par la louable intention d’en finir avec l’échafaud et les châtiments corporels. Mais le rêve humaniste a tourné court. En 2010, la prison continue à briser des vies, fabriquer de la délinquance et souiller les valeurs démocratiques, sans rien résoudre à la violence de la société. Tous les trois jours en moyenne, un détenu choisit d’en finir plutôt que de supporter la lente déstructuration mentale et morale à laquelle il est condamné derrière les barreaux. Quant à ceux pour qui la prison n’est qu’un lieu de passage, ils sont 40 % à y retourner dans les cinq ans suivant leur libération, validant l’hypothèse selon laquelle « la prison provoque la récidive », pour citer Michel Foucault. Pis : l’institution carcérale reproduit les inégalités sociales en pénalisant les plus faibles, puisque 60 à 70% des infractions sont commises pour des raisons économiques.

Le populisme pénal

Nos prisons brûlent, mais la société française regarde ailleurs, acceptant docilement l’aberration carcérale, malgré quelques soubresauts humanistes lorsque micros et caméras se braquent à l’occasion sur ce lieu de souffrance. Les rapports et enquêtes de terrain dénonçant la situation des détenus ne suffisent toujours pas à mobiliser les politiques, qui font de l’espace pénal l’un des derniers terrains d’expression de l’autorité de l’État. Être filmé en train de lutter contre le crime rapporte plus de voix que n’importe quelle baisse d’impôts. La meilleure preuve de ce populisme pénal est l’apparition dans la sphère publique de la figure de la victime, nouvelle incarnation du citoyen méritant et « héros de la République », invité d’honneur de la garden-party de l’Élysée en 2007.

La diabolisation actuelle de l’image du prisonnier défie pourtant toute logique puisque les « gens dangereux » qui croupissent dans les prisons françaises ont encore trop souvent le visage d’un dealer de cannabis encore mineur, d’un immigré sans-papiers ou d’un malade mental. Autant de populations fragiles dont la place n’est pas entre quatre murs. La violence morale a remplacé la violence corporelle. Surtout, l’esprit de vengeance, cette satisfaction malsaine que l’on ressent lorsque le malfaiteur est puni, n’a pas disparu. La mise à l’écart du corps du malfaisant rassure tandis que fermer les prisons effraie. Mais si l’opinion publique avait toujours raison, Robert Badinter n’aurait jamais fait voter l’abolition de la peine de mort.

Des alternatives à l’enfermement

L’espoir de voir disparaître un jour la prison, institution archaïque et indigne d’une démocratie digne de ce nom, n’a pas pour autant disparu. Sursis, travail d’intérêt général, bracelet électronique, aménagements de peine… Les solutions à l’enfermement ne cessent de gagner du terrain. En 2010, près de 160 000 personnes purgent des peines en milieu ouvert contre environ 62 000 qui sont emprisonnées. La fin des prisons est en marche. Raison de plus pour accélérer le processus. Car compter sur le sens de l’Histoire ne suffit pas. La fermeture des prisons ne sera pas le fruit d’un sursaut humaniste – pourtant indispensable en toile de fond – mais d’un raffinement technologique permettant d’en finir avec l’incarcération. Le temps de l’audace est venu.

Suivons l’exemple de l’Espagne et de la Norvège qui ont aboli la peine de prison à perpétuité. Gelons la construction de nouveaux établissements pénitentiaires, condamnés tôt ou tard à se remplir comme les précédents. Ayons le courage de dépénaliser certains actes soi-disant délictueux (« usage de drogue », « infraction à la législation sur les étrangers »). Sortons de prison les 20% à 30% de détenus souffrant de pathologies mentales. Et ouvrons enfin le débat sur le sort qui doit être réservé aux auteurs de viols et de crimes de sang, puisque condamner une personne à passer 30 ans ou plus derrière les barreaux ajoute de la souffrance à la souffrance, sans pour autant venger la victime et ses proches.

La politique de l’autruche n’a que trop duré. Le corps social français doit désormais s’interroger, sans angélisme, sur l’enjeu carcéral et pénitentiaire. Et débattre de la fonction de la prison pour pouvoir dépasser cette machine infernale. À défaut d’initier une révolution verte, le Grenelle de l’Environnement a eu le mérite de faire émerger la cause écologique dans la sphère publique. Il est temps pour la question pénitentiaire de suivre cette voie. Organiser un « Grenelle des Prisons » pour faire d’une question sensible et impopulaire une priorité gouvernementale serait une preuve de courage politique. Entre les fanatiques de la prison « humaine » et les abolitionnistes jusqu’au-boutistes, une autre voie consiste à vider progressivement les prisons de leurs occupants. Alors seulement la célèbre phrase de Camus ne sera plus qu’un lieu commun sans fondement.

Le troisième numéro d’Usbek et Rica sortira le 3 décembre, dans toutes les bonnes librairies

Illustration cc Loguy pour OWNI.

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http://owni.fr/2010/11/23/pour-la-fermeture-des-prisons/feed/ 18
[interview] Le modèle des prisons ouvertes http://owni.fr/2010/11/23/itw-le-modele-des-prisons-ouvertes/ http://owni.fr/2010/11/23/itw-le-modele-des-prisons-ouvertes/#comments Tue, 23 Nov 2010 12:27:15 +0000 Julien Goetz http://owni.fr/?p=36676 Il existe aujourd’hui en France une prison qui n’est pas sur le modèle “traditionnel” des prisons fermées. Elle est en Corse, à Casabianda. C’est une prison construite sur un modèle ouvert. Tel que décrit lors du Congrès Pénal et Pénitentiaire International de La Haye en août 1950:

Le terme « établissement ouvert » désigne un établissement pénitentiaire dans lequel les mesures préventives contre l’évasion ne résident pas dans des obstacles matériels tels que murs, serrures, barreaux ou gardes supplémentaires.

Le modèle existe depuis plus de deux siècles et s’est répandu largement en Europe ces dernières décennies. Au Danemark ou en Finlande par exemple, plus de 30% des places du système carcéral sont en régime pénitentiaire ouvert, presque 25% en Suède, 16% en Suisse, 8% en Angleterre et au Pays de Galles. Et en France ? 0.37%.

En mars dernier, un rapport a été rendu au Ministère de la Justice à propos de ce régime particulier des prisons ouvertes, notamment sur la faisabilité de son développement au sein du parc pénitentiaire français. Interview avec Paul-Roger Gontard, auteur de ce rapport.

Historiquement, d’où vient le modèle des prisons ouvertes ?

Il serait né, d’après mes recherches, en Espagne dans le premier tiers du XIXieme siècle. C’est un espagnol qui aurait ouvert la première prison ouverte, au début des années 1830. Ensuite, un anglais expérimentera ce modèle dans une petite île, Norfolk Island, qui est bloquée entre la Nouvelle Zélande et la Nouvelle Calédonie. Elle avait la particularité d’accueillir les pires détenus d’Angleterre.

À cette époque là, on pratiquait encore la déportation, les détenus anglais étaient envoyés en Australie et ceux qui n’arrivaient pas à s’implanter et commettaient de nouveaux crimes étaient envoyés sur Norfolk Island. On les appelait les deux fois condamnés et pourtant, malgré cette particularité de détenus plutôt difficiles, c’est une des premières prisons ouvertes qui s’est installée sur cette île avec cette population pénale.

C’est un modèle très ancien, l’un des premiers modèles pénitentiaires. Il arrive quelques dizaines d’années après ceux de Philadelphie et d’Auburn. C’est un modèle très ancien et qui a fait ses preuves depuis très longtemps.

Quels sont les enjeux de ce type d’établissements ?

Les établissements qui utilisent le régime ouvert de détention ont en gros 4 gros avantages. Le premier c’est l’humanisation de la détention. Ce modèle d’établissement favorise le respect de la dignité humaine, des droits des détenus plus facilement que tout autre type de prison.

Ensuite, la réinsertion. C’est un établissement qui, par son fonctionnement, est propice au travail des détenus, à la formation, aux soins et, compte tenu de son fonctionnement qui est basé sur la normalisation – se rapprocher le plus possible de la vie libre – permet de réhabituer chaque individu à un quotidien avec des horaires, des contraintes, des objectifs, un travail en commun. Ce qui favorise évidemment la réinsertion.

C’est un modèle de prisons qui permet de dédommager plus facilement les victimes puisque le travail a une place extrêmement prépondérante. Les détenus sont incités à commencer à payer leur parties civiles lorsqu’ils passent une partie de leur détention dans une prison ouverte.

Enfin, c’est un mode d’établissement que l’on peut qualifier d’économique. Non seulement il coûte moins cher puisque les coûts d’encadrement sont souvent inférieurs aux autres types de modèle pénitentiaire. Les infrastructures sont beaucoup plus souples, moins imposantes : pas de murs, pas de glacis, pas de filets anti-hélicoptères. Donc tant par la construction que par son fonctionnement, c’est un mode de détention plus économe. Qui plus est, lorsque le fonctionnement de cette prison est basé sur une activité économique, c’est une prison qui peut rapporter de l’argent à la collectivité.

Comment les détenus que vous avez pu rencontrer vivent-ils ce passage en prison ouverte ?

Tout d’abord, ils se rendent compte le plus souvent que l’incarcération dans une détention de ce type est une exception et que comme toute exception, il faut prendre garde à ce qu’elle ne disparaisse pas pour eux-même ou pour les autres. Ils se rendent compte qu’il y a des règles à respecter et que si ces règles ne sont pas respectées par eux-même ou par les autres membres de la communauté pénitentiaire, on risque soit de les renvoyer eux-même dans des prisons fermées, soit de limiter les libertés que l’on peut trouver dans des prisons ouvertes.

C’est important de se rendre compte qu’ils s’approprient souvent le modèle et de considérer qu’ils considèrent que c’est une chance pour eux d’être dans une prison ouverte. Ils en tirent donc un bénéfice conscient.

Il y a un détenu qui m’a dit un jour : “on ne redresse pas un clou rouillé en le mettant dans une boîte fermée”. J’ai trouvé que le message était intéressant. Il considère que ce n’est pas en mettant quelqu’un dans neuf mètres carré, enfermé vingt-trois heures sur vingt-quatre, que ce n’est pas ce mode là qui va permettre à un individu de se redresser, de redevenir un homme libre, un homme conscient de sa responsabilité et conscient de ses choix, conscient des conséquences de ses actes.

Le régime d’exception est donc le garant de la réussite de ce type d’établissement ?

C’est certain. On ne peut pas imaginer que tout le champ pénitentiaire soit dans ce modèle là. Par contre, une proportion même sensible comme dans les pays du nord de l’Europe – ça peut être jusqu’à un quart voir un tiers de la détention – est propice à rendre compte de l’exception que c’est dans le champ pénitentiaire tout en permettant au plus grand nombre, en tout cas tout ceux qui peuvent en bénéficier, d’accéder à ce régime là.

Quels seraient les critères de sélection pour accéder à ce régime ?

Il y a deux grands ensembles de critères : les critères matériels et des critères individuels. Les critères matériels sont par exemple le quantum de peine (la durée de la peine qui a été prononcée par le juge) ou le reliquat de peine. On a en France, par notre code de procédure pénale, tout un dispositif d’aménagement de peine à partir d’une certaine durée qui rend accessible pour les détenus finalement plus une vie libre qu’un régime de détention fermé.

À ces deux éléments vous en rajoutez un troisième qui est, dans certains pays, le facteur infractionnel (quelle est l’infraction qu’a commis le détenu ?). Par exemple en Autriche, les détenus incendiaires ou les détenus pour infraction sexuelle ne sont pas autorisés à intégrer les prisons ouvertes.

Ensuite il y a des critères plus individuels qui nécessitent des évaluations, notamment la dangerosité du détenu, son parcours pénitentiaire, son volontariat (il faut être volontaire pour intégrer une prison ouverte), son comportement vis-à-vis de l’infraction qu’il a commis ou vis-à-vis des parties civiles.

Je vais vous donner un exemple. En Pologne, pour pouvoir rentrer en prison ouverte, pour les peines de perpétuité, il faut avoir exécuté au moins vingt ans de détention. En France, nous n’en sommes pas du tout à ces réflexions là, mais c’est pour vous donner des critères qui peuvent exister. On peut estimer par exemple que, pour les peines de réclusion criminelle, une exécution de la moitié de la peine en prison fermée pourrait être exigible.

Ce sont des principes qui doivent mériter des exceptions. Chaque cas est particulier et chaque dossier mérite d’être étudié individuellement. Poser ce principe, c’est finalement plus pour arriver à se donner un indicateur chiffré du nombre de détenus éligibles à ce régime que de dire “on exclura d’office tous ceux qui ne remplissent pas ces critères”.

D’après votre étude, combien de détenus seraient éligibles en France ?

Je me suis simplement basé sur les infractions et sur les reliquats de peine qui sont les indicateurs les plus faciles. En ce qui concerne les reliquats de peine c’était supérieur à deux ans et dont les infractions ne remplissent pas certains critères (infractions liées à la criminalité organisée, celles liées à des faits de violences, de dégradations volontaires, les infractions sexuelles qui ne sont pas commises dans le milieu intra-familial…).

Tout ces critères m’ont permis d’estimer à plusieurs milliers le nombre de détenus français éligibles théoriquement à ce régime. En retenant simplement 10% de cette masse comme pouvant être volontaire pour intégrer le régime pénitentiaire ouvert, j’ai estimé que l’on pourrait ouvrir assez aisément trois ou quatre nouveaux établissements pénitentiaires de ce régime. Chacun pouvant accueillir 150 détenus.

Vous parlez de volontariat, pouvez-vous m’en dire plus sur ce point ?

Le régime des prisons ouvertes fonctionne avec des contraintes non-négligeables. Devoir se lever le matin à 6h30 pour aller couper des sternes de bois, comme c’est le cas par exemple à Casabianda, tous les détenus ne sont pas prêts à le faire. Il y a des détenus qui considèrent que passer vingt-trois heures sur vingt-quatre dans l’oisiveté est parfois plus acceptable que de devoir travailler toute la journée.

C’est quelque chose d’inquiétant pour une société comme la nôtre d’avoir des individus autant désocialisés et autant marginalisés par rapport aux canons des comportements sociaux que l’on est en droit d’attendre mais c’est la réalité. Notamment dans des public plus jeunes et qui n’ont jamais véritablement eût accès à une activité économique, à un travail.

Aller en prison ouverte c’est accepter de travailler, d’avoir des horaires, d’avoir parfois des objectifs de production et le plus souvent (et c’est un facteur de resocialisation) de travailler en équipe avec des responsables qui vous donnent des obligations et qui vous responsabilisent. Tous ces facteurs là font qu’il y a des détenus qui disent “moi ça ne m’intéresse pas”.

Est-ce un modèle d’établissement compatible avec le champ pénitentiaire français ?

Le fait que Casabianda existe, le prouve. Sinon on en n’aurait aucune. Elle existe depuis soixante ans et depuis soixante ans il y a eu d’autres expériences ouvertes qui ont duré plusieurs années, voire plusieurs dizaine d’années.

Notre champ pénitentiaire est adapté à ce type d’établissement. Les choix politiques ont été simplement différents d’un pays à l’autre en Europe et nos choix politiques ont été le plus souvent de favoriser l’exécution des peines en milieu ouvert et non pas en prisons ouvertes. C’est la nuance qui explique que certains pays ont plus adopté les prisons ouvertes que d’autres. Si l’on ajoute à ça un fond culturel qui favorise ce modèle dans les pays du nord de l’Europe et vous comprenez pourquoi la France est passablement en retard par rapport à la moyenne européenne.

Sur le plan réglementaire, il y aurait quelques modifications qui rendraient le développement plus facile mais encore une fois s’il y avait des obstacles, Casabianda ne pourrait pas fonctionner.

Une distinction qui existait par le passé faisait que les centres de détention en régime ouvert étaient distincts des centres de détention en régime fermé dans le code de procédure pénale. Rétablir cette distinction mettrait en exergue qu’il y a deux types de prisons d’exécution de peine qui peuvent exister sur le territoire français.

Faire également un travail de dépoussiérage de certains articles du code de procédure permettrait de réadapter notamment l’utilisation des moyens de sécurité dans les prisons. Mais objectivement, si Casabianda existe, il n’y a pas d’obstacle ni légal, ni réglementaire au fonctionnement des prisons ouvertes en France.

Peut-on comparer le PSE (Placement sous Surveillance Électronique) et prisons ouvertes ?

C’est une question de profil. On peut considérer que certains individus sont plus aptes à réintégrer tout de suite le milieu ouvert et que d’autres pourraient passer par le sas de la prison ouverte avant de réintégrer la vie libre. La prison ouverte s’entend comme une étape entre le régime fermé et le monde libre. Elle est parfois même la base d’aménagements de peine.

C’est d’ailleurs son origine institutionnelle. Quand, au milieu du XIXieme siècle, Walter Crofton institue la prison ouverte dans le régime pénitentiaire irlandais, c’était la base de la libération conditionnelle. Un libéré conditionnel ne pouvait obtenir ce type de libération là qu’à condition d’être passé par le troisième degré pénitentiaire qui était une prison ouverte.

Aujourd’hui, on ne peut pas dire qu’un modèle est mieux ou moins bien que l’autre entre le PSE ou la prison ouverte. C’est simplement en fonction d’un profil de détenu. Il faut le plus possible diversifier les offres d’exécution de peine pour que chaque individu trouve celle qui est la plus adapté à son profil.

Votre étude est sortie au printemps dernier, qu’en est-il en terme de volonté politique depuis ?

L’ancien secrétaire d’État à la Justice, Jean-Marie Boeckel, a missionné l’administration pénitentiaire pour lui faire des propositions concrètes. À l’horizon 2015 – 2017, il y a un nouveau programme immobilier et c’est dans le cadre de ce programme que l’administration pénitentiaire a proposé d’inclure les prisons ouvertes.

Actuellement, elle travaille sur l’élaboration d’un modèle d’interprétation à la française des prisons ouvertes pour qu’à l’horizon 2015 – 2017, un, deux ou trois établissements voient le jour avec ce fameux régime pénitentiaire ouvert, qu’ils soient autonomes ou rattachés à une prison fermée.

Crédits photos cc FlickR : Thomas Hawk, Funky64 (www.lucarossato.com), ƅethan.

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