La proportionnelle pour le fric des partis

Le 23 janvier 2012

Au Sénat, une véritable bombe menace les finances des candidats à la présidentielle soutenus par des petits partis. Un sénateur PS propose d'abandonner le système du remboursement forfaitaire pour les candidats dépassant les 5%. Et de le remplacer par un remboursement proportionnel au nombre de voix obtenues.

La loi organique adoptée le 12 janvier dernier par le Sénat était porteuse d’une petite révolution pour les finances des partis. La loi sur les dépenses de campagne de l’élection présidentielle, modifiée par les sénateurs, proposait de ne plus tenir compte du seuil des 5% de voix au premier tour. Mais de se fonder sur le nombre de suffrages exprimés.

Le texte initial, présenté par François Fillon dans le cadre du plan de rigueur, avait pour vocation unique de raboter les sommes remboursées aux candidats à la présidentielle. Le Sénat y avait incorporé cette petite subtilité, prévoyant que l’une des principales sources de remboursement de leurs frais de campagne serait:

répartie proportionnellement au nombre de suffrages obtenus au premier tour de l’élection présidentielle par chacun d’entre eux.

Jusqu’ici, la loi remboursait les candidats en fonction de seuils auxquels correspondaient des montants forfaitaires. En 2007, les remboursements étaient de 808.000 euros pour ceux n’ayant pas atteint 5% des suffrages exprimés. 8,1 millions pour ceux ayant dépassé ce seuil de 5%. Et 10,8 millions pour ceux arrivés au second tour.

Interrogé par OWNI, le sénateur PS Gaëtan Gorce, auteur de l’amendement qui bouleverse ce système, a estimé que le plan d’économies de François Fillon ne présentait pas de garanties suffisantes :

Si plus de trois candidats dépassent les 5%, le projet de M. Fillon ne peut pas garantir d’économie, laquelle est de toute façon modeste (3 à 5 millions d’euros). J’ai donc décidé de prendre le gouvernement à ses propres mots : au lieu de dépendre du nombre de candidats, le remboursement va dépendre du nombre de suffrages exprimés. En divisant le budget total par le nombre de voix, vous obtenez un quotient qu’il suffit de multiplier par le nombre de vote obtenu par chacun. Pour les deux finalistes, il y a une prime de deux millions, un peu comme aujourd’hui.

Adopté au Sénat, cet amendement ainsi que d’autres dispositions ont été balayés à l’Assemblée nationale suite à une Commission mixte paritaire qui a conclu au désaccord entre les deux chambres. Mais “Nous représenterons les amendements”, assure Gaëtan Gorce, chargé au Sénat de suivre le volet des dépenses de campagne.

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La mort des petits candidats

Pour le sénateur de la Nièvre, cette mesure est “plus juste” pour les candidats du fait de la disparition d’un effet de seuil, à savoir la course aux 5% qui peut décider de la vie ou de la mort d’un parti ayant engagé de lourds frais dans une campagne et qui loupe le remboursement de quelques milliers de voix.

La mesure suscite néanmoins une certaine inquiétude. Député vert auteur d’une loi sur la transparence du financement des partis politiques, François de Rugy y voit un risque de renforcement du bipartisme :

Le principe est contraire à l’égalité entre les candidats, le Conseil constitutionnel a de grandes chances de retoquer un tel texte. Par ailleurs, les “candidats moyens” comme François Bayrou, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen ou, dans une moindre mesure, les écologistes vont se sentir lésés. Le dispositif, en revanche, avantagerait nettement les deux gros partis, comme c’était déjà le cas pour le rabot proposé par Fillon qui ne portait pas sur la limite de dépense, la seule que prennent vraiment en compte UMP et PS, car ils en ont les moyens.

Gaëtan Gorce assure que le résultat en reviendrait au même pour les grands partis. “Peut-être faudrait-il prévoir un forfait pour éviter que ceux qui obtiennent moins de 500000 voix ne se retrouvent en difficulté”, concède-t-il.

Affrontement entre les deux hémicycles

La confrontation sur le texte ne cristallise pas que l’opposition des conceptions sur les finances de campagne. La gauche sénatoriale et les députés de droite jouent également des coudes sur la question des dépenses du Président-candidat. Au sein du même article III, les socialistes ont ainsi inséré deux mentions visant directement Nicolas Sarkozy :

- une première obligeant à inscrire au compte de campagne les dépenses engagées ou effectuées “à son profit, dès lors qu’elles ne sont pas dénuées de lien avec le débat politique national.”
- une seconde permettant au Conseil constitutionnel de renvoyer devant le Parlement des comptes non validés afin de juger si les manquements renvoient “à des actes constituant un manquement manifestement incompatible avec l’exercice du mandat de Président de la République”.

Des dispositions qui visent explicitement les déplacements très politiques du chef de l’État. Ces dispositions reviendront une fois la loi organique repassée entre les mains du Sénat. “Il s’agit d’une mise en garde, insiste Gaëtan Gorce. Nous allons faire la démonstration que le gouvernement ne souhaite pas éclaircir les comptes de campagne.” Une lutte parallèle à celle engagée par François Hollande contre Nicolas Sarkozy sur la question de la rigueur, où les deux principaux candidats ont un peu à perdre Mais moins que les petits. Quand les gros maigrissent, les maigres meurent.

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